Thomas d'Aquin

Thomas d'Aquin eu sans conteste une importance décisive dans le développement de la théologie chrétienne. Il donne à celle-ci une impulsion qui en constituera le cœur pendant plusieurs siècles. Ses exposés qui sont d'une clarté remarquable sont constitués dans la forme de la tradition scolastique mais en y joignant l'innovation de partir de philosophie aristotélicienne. Son œuvre la plus connu, la 'somme de théologie' est rédigée dans une forme inspirée des 'questions disputées' ou le maître fait face aux questions les plus diverses. Cette forme de questionnement pourrait nous faire penser qu'il y ait une base de ressemblance avec les discussions du Talmud mais il n'en est rien car à la différence de celui-ci, les questions disputées et les exposées de théologie de l'Aquinate sont toujours conclu! es par la réponse du maître. Les questions ne restent pas ouvertes. Cependant le maître montre son génie par les nombreuses clauses dont il tient compte pour répondre et qui constitue, elles, de sérieuses ouvertures pour les développements futures des disciples.

Thomas s'est à plusieurs reprise penché sur la christologie qu'il considère comme le couronnement de son œuvre théologique. Il y fit une œuvre de clarification remarquable notamment sur les notions de personnes en Jésus-Christ et en dieu à partir de la difficile question de la Trinité ou il importe de maintenir l'unité.

Au sujet du Christ il présente entre autre les convenances de l'Incarnation, les modalités de celle-ci, les puissances du Christ, ses qualités, et la suite de son action dans les sacrements.

Dans le but de clarifier notre notion du Christ/Messie chrétien, voyons quelques passages de différentes catégories, d'abord sur le mode d'union, de la divinité et de l'humanité en Lui. Rappelons que selon les conciles, il y a dans le Christ deux natures mais une seule personne.

 

Qu 4, art.2: le fils de Dieu a-t-il assumé une personne?
Réponse: 1Être assumé, c'est être pris pour être uni à quelque chose. Ce qui est assumé doit donc être présupposé à l'assomption ;
Or, d'après ce que nous avons déjà dit, dans la nature humaine assumée la personne n'est pas présupposée à l'assomption ;
Si elle était présupposée, en effet, ou bien elle se trouverait dissoute et par suite serait assumée inutilement ; ou bien elle demeurerait après l'union, et alors il y aurait deux personnes, l'une assumant et l'autre assumée ;
Il reste donc que d'aucune manière le Fils de Dieu n'a assumé une personne humaine.
Solutions : 1. Le Fils de Dieu a assumé la nature humaine dans un être concret, c'est-à-dire dans un individu qui n'était autre que ce suppôt incréé qui est la personne même du Fils de Dieu.

Ce qui se trouve expliqué ici au travers de ce jargon philosophique, c'est qu'il n'y a pas eu d'abord un individu humain 'Pierre-Jean-Jacques' qui soit ensuite assumé par Dieu, car alors cette personne humaine ne serait pas respectée. Il importe que dans le Christ nature divine et nature humaine soit pleinement respectées ce qui inclue également le respect de la personne. C'est donc la personne divine qui a individué la nature humaine en Jésus.

Art 4: Le Fils de Dieu incarné est le Sauveur universel, non pas en ce sens qu'il possède cette universalité de genre ou d'espèce que l'on attribue à une nature abstraite des singuliers, mais en ce sens qu'il est la cause universelle du salut du genre humain.

Cause universelle du salut, voici un petit bout de phrase sur lequel nous reviendrons. Le Christ est donc Messie universel, mais comme cause... intéressant mis en relation avec l'importance de la fonction du Messie Juif!

Après avoir examiné longuement et sous toutes ses coutures le mode d'union, Thomas s'interrogera sur la grâce et les vertus du christ. La grâce du Christ étant très parfaite, les vertus qui en procèdent devaient donc parfaire également toutes les puissances de son âme, et leurs actes. D'où il suit que le Christ a possédé toutes les vertus. 2 Passant ensuite au 'règne' du christ en tant que Tête de l'Église.

De même que l'on donne à toute l'Église le nom de corps mystique par analogie avec le corps naturel de l'homme, dont les divers membres ont des actes divers, ainsi que l'enseigne l'Apôtre (Rm 12, 4 ; 1 Co 12, 12), de même on appelle le Christ tête de l'Église par analogie avec la tête humaine. Celle-ci en effet peut être considérée à trois points de vue différents : au point de vue de l'ordre, de la perfection et de la puissance.

Or ces trois fonctions de la tête appartiennent spirituellement au Christ. En raison de sa proximité avec Dieu, sa grâce est en effet la plus élevée et la première, sinon chronologiquement, du moins en ce sens que tous ont reçu la grâce en relation avec la sienne, selon cette parole (Rm 8, 29) : " Ceux qu'il a connus d'avance, il les a aussi prédestinés à être conformes à l'image de son Fils, afin qu'il soit le premier-né parmi un grand nombre de frères. " - De même, sous le rapport de la perfection, le Christ possède la plénitude de toutes les grâces, selon cette parole (Jn 1, 14) : " Nous l'avons vu plein de grâce et de vérité. " - Enfin pour ce qui est de la puissance, le Christ peut communiquer la grâce à tous les membres de l'Église, ainsi qu'il est dit encore (Jn 1, 16) " De sa plénitude nous avons! tous reçus. " Apparaît donc avec évidence que l'on peut à bon droit donner au Christ le titre de tête de l'Église. 3

Mais puisque le Christ est le roi du royaume de Dieu, comme tête, cela ne peut être limité à l'Église seule. Donc, si nous considérons en général toutes les époques du monde, le Christ est la tête de tous les hommes, mais à divers degrés : 1° d'abord et avant tout, il est la tête de ceux qui lui sont unis en acte par la gloire ; 2° il est la tête de ceux qui lui sont unis en acte par la charité ; 3° de ceux qui lui sont unis en acte par la foi ; ... 4

Après son rôle comme tête Thomas s'interrogera sur la science du Christ. Rien de ce que Dieu a mis dans notre nature n'a fait défaut à la nature humaine assumée par le Verbe de Dieu. Il faut donc admettre que, dans l'âme du Christ, il y a eu, en plus de l'intellect possible, un intellect agent.5 La science du Christ sera ainsi longuement développée questions pour en montrer toute l'excellence. Thomas étudiera ensuite les limitations qui existent dans le Christ en raison de sa nature humaine. Il assume vraiment une nature humaine complète avec toutes ses potentialités mais aussi toutes ses limitations.

Puis il verra sa relation avec son Père, notre relation avec lui et finalement il étudiera en détails toutes les étapes de sa vie de la conception à la résurrection.

En tous cela on se trouve fort loin du Messie juif puisque toute cette doctrine tient sur la base de l'Incarnation qui est, bien sûr, inadmissible pour le judaïsme. Par contre, si étonnant que cela puisse paraître, au travers de ces développements très rationnels et basés sur la foi chrétienne, Thomas fait ressortir des éléments qui font partie des caractéristiques du Messie juif, sa morale, sa science, sa royauté (d'ordre spirituel admettons) mais également la nécessité de respecter la nature humaine et divine dans l'accomplissement de l'alliance.

Hors plusieurs de ces caractéristiques sont apparue ou se sont clarifier dans la notion juive du Messie bien après ce qui constitua l'héritage commun de nos deux traditions! Si une part des correspondances doit être due à l'évolution de pensé qui caractérise chaque époque et qui permet de découvrir des notions qui existaient en potentialité dans les textes, il me semble tout de même qu'il y a aussi influence réciproque des deux traditions même au long de cette période de l'histoire ou chacune se pensait unique et n'était guère en situation de dialogue et d'alliance avec l'autre.

On peut alors supposer qu'en notre époque ou le respect de la dignité de l'autre dans un dialogue ouvert naît, les trésors qui pourront être développé doivent être immenses!

 

 

1 Le texte de la réponse est ici abrégé et isolé de l'ensemble de la question avec ses arguments pour ou contre et les diverses solutions.

2 Somme de Théologie, III pars, Qu. 7, art. 2

3 Ibid. Qu. 8, art. 1

4 Ibid. art. 3

5 Ibid, Qu. 9, art. 4