Judaïsme
Parler de position théologique du judaïsme peut sembler déplacé. En effet, il n'y a pas de développement doctrinal contrôlés dans le judaïsme.
Lorsqu'on s'efforce de retourner aux textes de sa tradition [du messianisme] pour penser sa logique interne et sa place dans l'économie générale des croyances judaïques, on ne peut manquer d'être confronté à une grande fluidité - parfois à la limite de l'évanescence et à l'absence ou à la rareté d'effort de rationalisation de ses éléments disparates dans les diverses doctrines du judaïsme. L'écart est très grand entre l'importance supposée de l'idée de Messie et sa clarification. Tout d'abord les textes messianiques sont nombreux, quoique toujours allusifs et incidents à d'autres textes. Entre l'approche rationaliste maïmonidienne et les figures mystiques de la Cabale ou les éléments souvent apocalypticiens du Talmud, la diversité est flagrante. 1
Il existe cependant différentes approches et pour être juste, il faudrait les aborder toutes, (ce qui m'est impossible) 2 dont certaines sur des bases de discussions bibliques, d'autres sur la loi, d'autres mystiques et enfin d'autres rationnelles, et il est aussi possible de dégager une vue d'ensemble des courants du judaïsme en essayant de respecter la diversité de directions qui existe en son sein. Ces diversités sont d'ailleurs pratiquement constitutives de la pensée juive, nous verrons comment
À l'époque ou nous sommes, après les désastres du siècle dernier et la prise de conscience qui en a suivi sur la dignité humaine et la nécessité absolue de prendre compte de l'autre, de son existence, de sa dignité, mais aussi de la nécessité de l'autre pour vivre humainement, le dialogue recommence ( ou commence?) À être possible entre juifs et chrétiens. Le siècle dernier a également vu la résurrection d'Israël. Ces éléments ajouter à la confrontation à la modernité amène le peuple juif dans son ensemble à s'interroger sur son identité.
L'approfondissement des traditions et de la pensée juive font partie de cette recherche et dans un contexte de mondialisation il importe de s'arrêter à ce qui fait l'essence du judaïsme et non seulement a ce qui en caractérise les différentes colorations. Le travail théologique juif sera donc à ce niveau de recherche de sens et de synthèse entre les différents aspects des traditions juives.
Pour la théologie juive, l'histoire n'est pas linéaire mais cyclique. Le monde a un sens, un projet, une finalité. Ce projet a une forme de dualité, c'est l'Alliance; la finalité c'est le Messianisme, non pas le Messie en lui-même qui n'est qu'instrument, mais son œuvre. L'œuvre Messianique, c'est le retour à l'Adam primordial, l'accomplissement de l'humanité aussi la "réparation" du monde. La messinanité est à la rencontre d'un jugement sur le monde, d'une conception du temps et d'une idée de l'homme. La conscience messianique ne peut pas se comprendre en effet sans l'idée de l'inachèvement du monde, œuvre d'une Divinité qui l'a créé ex nihilo.3 Ce Messie n'est ni le fruit de la volonté humain ne de la volonté divine mais de la rencontre des deux. Voyons tous cela plus en profondeur.
Tout le judaïsme est marqué par la tradition orale qui en est la quintessence. Cette tradition orale, lieu d'interprétation de la Torah, de la Loi, est elle-même sous forme de dualité. Ce ne sont pas des sentences toutes bien ordonnées qui sont transmises dans cette tradition orale, mais des débats. La forme même est importante, le débat est au cœur du judaïsme, à la base de son étude et de son interprétation du texte sacré. Il n'y a pas une doctrine approuvé, sur et définie. Au contraire, l'importance que le judaïsme accorde à l'interprétation ouvre la voie a de nombreuses opinions et a un foisonnement systèmes de pensées. La forme même du débat qui implique des participants défendant deux points de vues apparemment opposées a pour conséquence que le judaïsme a en son sein des parties déve! loppant des attitudes et des pensées apparemment opposées. J'ai bien dit apparemment. Il en résulte une constante tension qui, d'après Gershom Scholem, est la vie même du judaïsme, ce qui le fait durer.
On n'a guère à être étonné alors qu'à travers cette forêt ou foisonnent les variétés d'arbres, il se trouve aussi différentes visions du Messie. Nous ne pouvons les voir toutes mais nous regarderons comment, une théologie juive contemporaine peut tirer de nouvelles lumières à partir des deux principales visions provenant Talmud et de la synthèse qu'en fait Maïmonide Commençons donc avec un exemple typique de la tension entre des positions en apparence opposées en en puisant à nouveau une dans le Talmud au traité du chabbat:
Une baraïtha enseigne que R. Simon b. Éléazar a dit: Fais le bien tant que tu en as l'occasion, tant que tu en as les moyens et que c'est encore en ton pouvoir. C'est ce qu'Exprime Salomon dans sa Sagesse: Surtout, souviens-toi de ton Créateur aux jours de ta jeunesse, avant qu'arrivent les mauvais jours - c'est-à-dire ceux de la vieillesse - et que surviennent les années dont tu diras: elles sont pour moi sans désirs4 - allusion aux temps du Messie, quand il n'y aura plus ni récompense ni punition.
Cela est en opposition avec ce que pense Samuel: selon lui, le monde des temps messianiques ne sera pas différent de ce monde-ci, mis à part que la servitude de l'exil aura disparu, puisqu'il est dit il y aura toujours des pauvres dans le pays. Et le passage s'arrête là! Il n'y a ni conclusion, ni prise de position, celle-ci est laissée ouverte à tous les étudiants futurs qui poursuivront le débat dans leurs études! Certains attendent les temps messianiques comme des mauvais jours et d'autre comme une continuité sans autre changement que l'acceptation d'Israël par les nations. On pourrait citer des quantités de passages, comme nous en avons d'ailleurs déjà vu dans la première partie de cet exposé, éclairant chacun certains aspect du messianisme. Tâchons de les présenter en résumé: 1- Le Messie arrivera et entraînera un changement complet, sa venue sera précédée de temps terribles, Le Messie va arriver d'un coup et se sera au moment prévu par Dieu. 2- L'humanité doit faire venir le Messie par ses actes. Nos actions, particulièrement l'accomplissement des commandements, ont un effet décisif sur la venue du Messie. Ce sera comme une naissance spontanée, l'humanité arrivera à son plein achèvement et alors il y aura l'avènement du Messie. La nature des choses ne changera pas. Dans un cas, tout dépend de Dieu, dans l'autre tout dépend de l'homme! Dans la perspective de l'alliance, il faut respecter la part de Dieu et la part de l'homme. On ne peut faire violence ni a l'un ni à l'autre. L'alliance doit se vivre dans l'altérité, dans le respect de la différentiation, Dieu doit demeurer Dieu et l'homme doit demeurer homme. Ainsi ces deux positions opposées sont au fond les deux aspects d'une position plus globale: Le Messie sera le fruit de la volonté divine et de la volonté humaine. L'humanité doit se préparer, doit faire sa part et pour cela accepter de passer par une certaine dose de souffrance, mais c'est Dieu qui décide quand vient le Messie. Il doit y avoir interaction entre les deux. Les deux sont nécessaire. Sans l'humanité, il n'y a pas de messianisme! De là ressort que le Messie n'est pas seulement le Messie d'Israël mais le Mes!
sie pour toute l'humanité. Israël a sa mission, c'est ce qui fait sa spécificité, il doit faire la 'tikoun', la réparation, mais il y a un projet commun entre Israël et les nations. Il s'agit de retrouver le concept de l'humanité. Maïmonide travaillera dans le sens de cette synthèse des positions. Il donnera pour la première fois un profil net du Messie attendu. Celui-ci devra répondre à certains critères spécifiques. Il décrira dans l'épître au Yémen ce que devrons être les qualités du Messie insistant particulièrement sur la solidité de ses connaissances et son sens moral. Il explique ensuite que ce Messie ne sera pas connu avant sa révélation dans son rôle messianique, on ne connaîtra ni son père ni sa mère. Les rois de la terre seront terrifiés devant lui. Après cette description, suis immédiatement la démonstration de la non-messianité de Jésus. On peut voir clairement combien la personnalité même de Jésus a contribués à la position prise pour définir ce qu'est et n'est pas!
le Messie d'Israël. La conception juive de la personne du Messie est absolument dépourvue de relief, on pourrait la dire aussi anonyme, surtout si on la compare à l'impression puissante que la personnalité de Jésus a faite sur l'esprit chrétien. Il est remarquable et fort significatif que la description de la personnalité du Messie occupe une place très restreinte dans l'étude du messianisme entreprise par le Maharal (de Prague) Non seulement nous ne trouvons aucun renseignement précis sur la figure du rédempteur, mais même son rôle n'est indiqué que par allusion et analysé uniquement dans ses grandes lignes. Maintenant, pour comprendre le messianisme, il faut aussi comprendre la faute d'Adam, comprendre l'origine. Car au fond, les deux positions du Talmud s'articulent autour d'une simple alternative: l'avènement du Messie est-il oui ou non inscrit dans l'histoire? C'est toute la question de la liberté qui est en cause. Maïmonide le voit bien lorsqu'il prend position en se fondant sur le Talmud. Il ressortira de son étude qu'il y a le fait que Dieu connaisse tout et le fait que l'homme doive se révéler dans le monde. Toute la création est ordonnée à l'homme. Dans l'ordre de la création, l'homme est totalement libre. Ce qui, dans cet ordre de la création lui semble opposé à sa liberté est plutôt là pour lui permettre de se révéler. Adam à choisi de dire 'non', a choisi le monde de l'expérience. C'est maintenant à l'intérieur de ce monde que doit se faire la réparation. Si Dieu avait créé un monde qui ne soit pas limité, il n'y aurait pas eu de mal mais il n'y aurait pas pue y avoir d'Amour et de liberté non plus. Il n'aurait pas pue y avoir l'Alliance. La di!
fférenciation est là pour parvenir à l'unité. Pour accomplir l'humanité, et part là l'Alliance, il faut parvenir à l'unité. Une unité respectueuse de la différenciation qui ne doit pas être confondu avec une unification. Toutes ces considérations peuvent sembler s'éloigner du Messie mais il n'en est rien. Ce sont ces éléments qui structurent la notion juive du Messie qui doit être un humain, pleinement humain mais seulement humain! 1 Shmuel Trigano, Les deux Messies d'Israël, In: Figure du Messie, In Press, 1997 3 Ibid. 4 Ecc. 12,1 5 Deu. 15,11 6 G. Scholem, Les grands courants de la mystique juive, édition Payot, 1968 7 B. Gross, le messianisme juif, édition klincksieck paris, 1969