Maïmonide

Nous faisons maintenant allègrement un saut que plusieurs siècles pour nous arrêter à une époque marquée par de très grands penseurs de part et d'autres.

Maïmonide, aussi dénommé Rambam, ouvre cette ère qui verra une énorme œuvre de systématisation se faire dans les trois grandes religions monothéistes, avec Avicenne et Thomas d'Aquin. Au sujet du Messie, Maïmonide sera vraiment l'instaurateur d'une pensée qui, en faisant place à la rationalité, s'efforcera d'être une synthèse des idées variées du Talmud et de la tradition en conformité et avec l'appui des textes bibliques.

Il en viendra ainsi à dresser un tableau du Messie, le premier de ces portraits se trouvant dans l'épître au Yémen, mettants au clair ce que doit être l'attente messianique et les critères par lesquels le Messie pourra être reconnu.

Sa dignité sera d'un plus haut niveau d'excellence que la dignité des prophètes, et plus chargée d'honneur, en dehors de Moïse, notre maître; le créateur concentrera sur lui des qualités que Moïse, notre maître n'a pas reçues ensemble, comme il est écrit: "animé ainsi de la crainte de Dieu, il ne jugera point selon ce que ses oreilles auront entendu" (Is 11,5).

Dans toute cette lettre Rambam se place résolument en réaction aux traditions islamiques et chrétiennes. Cette épître est écrite en période de persécution. Sa description du Messie alterne avec des passages ou il démontre pourquoi Jésus ne peut-être celui-ci. Sans animosité contre jésus lui-même d'ailleurs. Si Maïmonide à des ressentiments envers le christianisme auquel il attribue d'avoir fait voulu faire de jésus le Messie, il est par contre indulgent envers Jésus et lui reconnaît une action positive, notamment celle d'avoir fait connaître la notion de Messie aux nations.

Le Saint, béni soit-il, l'appellera de six noms: "C'est qu'un enfant nous est né, un fils nous est accordé, la souveraineté repose sur son épaule et on l'a appelé conseiller, merveilleux, héros, divin, père de la conquête, prince de la paix" (ibid. 9,5) et il l'appelle El (divin) par hyperbole, pour faire connaître que sa grandeur est supérieure à celle de tout homme.

On voit un exemple clair en ce passage de la façon dont Maïmonide précise la notion juive en réaction à la doctrine chrétienne.

L'une des conditions que nous savons impartie à tout prophète est qu'il atteigne le comble de la connaissance et alors le Saint, béni soit-il, lui donne le don de prophète.

Il existe chez nous un principe: la prophétie ne se fixe que sur un homme sage, un homme courageux et riche et l'on explique "homme courageux" en disant qu'il doit maîtriser son instinct - et "riche", riche en connaissance.

Commence ici le portrait en forme positive. Les qualités que devras avoir le Messie. Il est intéressant de voir ici combien les premières notions ont évolués. Le Messie-Roi-Vainqueur devient un Messie moralement fort et l'ont voit cet érudit insister sur la connaissance, sur le fait que le Messie devra être instruit dans la Thora. Ce n'est pas une idée nouvelle. Le Thème de la connaissance est très biblique et l'étude est un des fondements du judaïsme, mais tout comme Maïmonide précise sa pensée face au Messie Chrétien, il le fait ici également face à un autre prétendant au titre de Messie et qui est justement l'occasion de cette lettre.

Le portrait du Messie qui est ébauché par Maïmonide nous présente un homme qui devra être pleinement épanouie et en qui prennent vie toutes les potentialités de l'humanité. Entre les lignes, c'est ici le nouvel Adam qui est repris et inclus dans la synthèse, mais aussi la participation de l'humanité à la venue du Messie. Celui-ci devra travailler fort pour atteindre cet état. Il faut savoir que les textes juifs sont très allusifs et il faudrait un bien plus long développement pour démontrer adéquatement toutes les notions contenues en ces simples lignes. Notre but présent est simplement de voir le rôle de la tension entre doctrine chrétienne et pensée juive. L'épître poursuit sa description:

En ce qui concerne la qualité de son statut, sache que tu ne sauras pas quel est son statut avant qu'il existe et que l'on puisse en parler. Qu'il est un tel, de telle famille; mais surgira un homme inconnu avant son apparition, les signes et les prodiges qu'il manifestera seront les preuves de l'authenticité de son ascendance.

Voici un autre thème qui se retrouvait vaguement dans le Talmud et qui est ici clarifié. S'agit-il d'une réaction aux généalogies de Jésus qui n'ont rien de convainquantes pour les juifs?

Mais il y a une qualité qui lui est particulière, c'est celle-ci: à l'instant de sa révélation, tous les rois de la terre seront effrayés à cette nouvelle et ils auront peur, leur royaume sera inquiet et ils conspireront sur les façons de s'opposer à lui, par le glaive ou par d'autres moyens...

Nouvelle explication du Roi Messie. Il n'aura pas besoin d'être en guerre pour se faire craindre, dès l'instant de sa révélation son pouvoir sera manifeste. Ceci pourrait être ouverture vers un règne sans violence, la violence est ici entrevue uniquement du coté des nations mais comme en d'autre passage Maïmonide indiques aussi que l'ère Messianique sera caractérisée par le respect des nations pour Israël, l'espoir est là. Indépendamment de cet aspect, je ne peux m'empêcher de lire ce passage en relation avec la naissance de Jésus ou les mages sont mystérieusement au courant de sa venue et ou le maître en place prend peur et n'hésite pas à se servir du glaive tuant ainsi des centaines de bébés innocents! Il semblerait que Maïmonide n'ait pas fait ce rapprochement car il aurait alors exprim&eacut! e; sa pensée en d'autres termes! En fait, je constate que souvent que les efforts de préciser les différenciations des notions de Messie peuvent finir par se rejoindre de manière étonnante.

Il se trouve un autre passage important de Maïmonide sur le Messie dans le célèbre Michné Thora en un passage qui a été censuré justement en raison e l'opposition qu'il présente à la doctrine chrétienne. Comme Nahmanide reprend et commente ce passage, nous le verrons à cette occasion. Tirant en simplement le fond. Le Messie est roi, c'est par son action, son œuvre qu'il est le Messie si bien que si un descendant de David réunissant toutes les conditions à la messianité meurt, il ne peut être le Messie. Ainsi de nombreux justes ont pue sembler être de parfait candidat à la messianité mais n'ont pas été choisis par Dieu afin de nous garder de ne pas absolutiser la personne plutôt que le rôle même du Messie.

Maïmonide parlera finalement aussi du Messie dans un texte capital: les treize préceptes du judaïsme. Le douzième précepte indique qu'il faut attendre le Messie. On remarquera qu'il ne prescrit pas expressément de croire dans le Messie lui-même mais de l'attendre.