Retour au Lexique serpent Sxn

par Christian Chevallier, le 21 mars 2003

hébreu nahash
Sxn
grec ophis ofiv

 

" Le serpent est le plus rusé de tous les animaux des champs … " (Gen 3 : 1)

 

 

Le serpent est le premier animal singulier désigné dans la Bible. La zoologie ne connaît pas le " serpent ", mais 3200 espèces de serpents parmi la famille des reptiles. Le premier animal nommé par Adam serait donc un reptile ? " reptile " veut dire " qui rampe ".

Le serpent biblique fut condamné lui aussi à marcher sur son ventre, ce qui suppose que cette station horizontale n'était pas sa forme originelle mais l'expression d'une chute qualitative.

 

Genèse 3:14 L'Eternel Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.

 

  " Reptile " veut dire ramper, mais certains reptiles ne rampent pas, la tortue marche l'ichtyosaure nageait, et le serpent n'est pas le seul rampant, puisque l'orvet qui est un lézard qui rampe aussi.

Qu'est ce qu'un serpent ?

Le serpent est le dernier reptile apparu sur Terre. Le premier serpent, postérieur aux lézards, aux mammifères et aux oiseaux n'a que 125 millions d'années. On pense que les serpents se sont enfouis pour échapper à la dent de leurs terribles ennemis, et en même temps se sont spécialisés dans la capture de proies blotties au fond des trous. Ils se sont donc anatomiquement organisés vers la forme parfaitement adaptée à cette spécialisation de camouflage et de chasse : le " tube " souple.

- l'appareil digestif est droit.
- Il ne reste qu'un seul poumon, le droit qui s'est allongé.
- Les autres organes s'empilent comme des comprimés, le droit toujours plus grand que le gauche.
- Les vertèbres ont une articulation spéciale qui permet de décrire un arc de 25° l'une à l'autre, ce qui multiplié par le nombre de vertèbres (jusqu'à 400) donne au serpent sa capacité d'enroulement original.

 

Surdité du serpent : Le serpent n'a pas de tympan parce qu'il n'a plus d'oreille. Les osselets de l'oreille moyenne sont revenus vers la mâchoire pour en augmenter le pouvoir de dilatation. Ce qui peut permettre à un boa d'avaler un animal de la taille d'un petit sanglier.

Sans oreille, le serpent est donc sourd aux vibrations de l'air, sauf peut-être aux sons très graves qui ont une action tactile.

Finalement les seuls organes remarquables du serpent sont les yeux et la langue.

Cécité du serpent : Des yeux sans muscles, ou plutôt des yeux dont le serpent en entier compense l'invalidité oculaire par les mouvements de tout son être. L'œil du serpent ne voit pas comme nous. Il est insensible aux couleurs et ne verrait que ce qui bouge. Ainsi le serpent est aveugle s'il n'a pas de mouvements relatifs avec l'objet de sa vision.

Soit l'objet bouge et il est vu (c'est peut-être la raison pour laquelle la proie s'immobilise), soit auprès d'une proie immobile le serpent est lui-même obligé de mouvoir son point de vue en bougeant tout son corps, afin de percevoir sa proie immobilisée afin de l'engloutir.
Lors de la mue du serpent, quatre ou six fois l'an, il redevient aveugle. L'œil du serpent est sous la peau et ce que l'on prenait pour la cornée n'était qu'une écaille… transparente. Mais quand l'écaille commence à se détacher de l'œil elle devient opaque.

Un détail qui semble être symboliquement relevé dans l' Ecriture :

" Quoiqu'il êut les yeux ouverts, il ne voyait rien " (act 9 : 8) et, à la fin de la mue " aussitôt, il lui tomba des yeux comme des écailles, et il couvra la vue. "

Le serpent, un sacré farceur ?

Des yeux trompeurs, des yeux aveugles, des yeux sans mobilité, ou plutôt un leurre d'activité oculaire. Le cobra serpent à sonnette, qui joue le musicien sonneur et le cobra royal (serpent à lunettes) qui fait les gros yeux sont des spécimens qui ont particulièrement développé les leurres auditifs, et oculaires. Alors qu'il est quasiment sourd et aveugle, le serpent donne l'impression d'une redoutable acuité sensorielle

Animal à sang froid, il n'est pas pourvu d'une grande capacité d'autonomie.

Sourd ! Aveugle ! Mais d'où provient donc la redoutable réputation du serpent ?

La langue du serpent !
Sa langue est bifide. Curieuse langue qui apparaît comme une antenne fourchue alors qu'elle est habituellement un organe simple chez la plupart des êtres vivants. Cette langue qui va et vient sans cesse hors du palais est un organe sensoriel extrêmement efficace. C'est une sorte de reniflard qui capte les particules odorantes véhiculées dans l'air afin de les transmettre à l'organe de Jacobson, situé dans le palais. C'est ce qui permet au serpent d'identifier à distance une présence sans qu'elle soit vue, ni entendue. Ce qui permet au serpent de juger si cette présence est bonne à goûter ou bien mauvaise à éviter avant qu'il ne devienne lui-même "objet de convoistise" de cette présence. Cette langue bifide, (qui n'est en rien perfide) permet au serpent de repéter le "bon goût" sans que l'élu ne se doute d'être déjà déguster. Ainsi le serpent a-t-il d'une certaine manière sacrifié toutes les potentialités corporelles et sensorielles de son être au profit de cette hypersensorialité de la langue qui lui donne de goûter, de déguster par avance sa prochaine victime ou bien de se détourner par prudence de l'immangeable et tout cela sans avoir besoin ni de voir, ni d'entendre, ni même de bouger.

L'ouïe et la vue ne sont que des leurres, car finalement l'activité sensorielle du serpent est toute orientée " vers le manger et ne pas se faire manger " vers la connaissance de ce qui est bon ou bien mauvais à manger, et à cette seule fin, la hyper dextérité de sa langue bifide lui suffit amplement.

Le serpent paralyse sa victime : En dehors de la fameuse mangouste, qui ne semble pas impressionné par les subterfuges de notre bestiole dévorante, la victime "élue" du serpent s'immobile à son approche. Un dixième des espèces de serpents sont en plus pourvu de crocs venimeux et il suffit de deux minuscules marques percés dans la peau pour qu'un poison immobilise rapidement la proie afin qu'elle puisse être engloutie en entier vivante mais paralysée.

 

Genèse 3:1 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l'Eternel Dieu avait faits.

 

 

instrument du rituel égyptien de l'Ouverture de la bouche appelé " le grand de magie".

La mythologie du serpent : Plutarque rapporte dans sa vie d'Alexandre que la mère de celui-ci Olympias, avait été prêtresse de l'île de Samothrace ( prostituée sacrée) et qu'elle attirait près d'elle de grands serpents privés qui se glissaient souvent parmi les lierres dont les femmes se couvrent dans de telles cérémonies, et hors des vases sacrés qu'elles y portent, et s'entortillaient sur leurs javelines et leurs thyrses en épouvantant les hommes.

A la suite d'un oracle rendue par la pythie de Delphes, elle part faire un sacrifice à Zeus-Amons dans la ville de Delphes, où le roi des dieux la possède sous la forme d'un serpent - à moins qu'elle ne se fasse engrosser par le pharaon déchu Nectanébo qui par sa science magique, se donna l'apparence d'un énorme serpent; le soir venu, il pénétra dans la chambre à coucher où Olympias l'attendait voilée, étendue sur le lit ... L'apparition prit place, consomma le mariage, puis posant ses mains sur les seins de la reine déclara : "réjouis-toi, femme, car tu as conçu de moi un mâle qui vengera tes injures et qui sera un roi maître de l'univers."

On remarquera à propos de la pythie "prêtresse serpent" la relation établie entre le serpent et la divination. Ainsi c'est par la salive de serpents que Cassandre et son frère Hélénos deviennent des devins, que Melampous est capable de comprendre le "langage des oiseaux" et c'est à la vue de serpents s'accouplant que Tirésias, le plus grand voyant de la Grèce, devient physiquement aveugle, acquérant ainsi le don de double vue tandis qu'il est transformé pour un temps en femme, devenant pour un temps androgyne. Une variante de cette histoire raconte que Tirésias connaît cette transformation parce qu'il a aperçu la nudité de la déesse Artémis.

Dans l'Egypte antique, l'uraeus le cobra en colère, se dressait sur la couronne du pharaon, il crachait du venin contre les ennemis de ce dernier et entourait également le disque des dieux solaires.

Histoire du caducée : Apollon fit don à Mercure, le messager des dieux. Lorsque Mercure arriva à Arcadie il trouva deux serpents qui se mordaient l'un l'autre. Il jeta son baton entre eux pour les séparer, et ils redevinrent un seul et unique être. C'est pourquoi le bâton reçut en symbole de paix, le nom de "bâton de Mercure.". Le sens de ce nom est donc de montrer la capacité de l'autorité divine messagère à réconcilier les forces opposéees de l'univers, masculin et féminin, jour et nuit, etc ...

 

 

Le serpent Sxn ... Nahash Qu'y a-t-il donc de comparable entre le "serpent" et l'ordonnancement de ces trois lettres ? Nahash peut se décomposer en S signe du mouvement relatif et xn " le repos ", Noé.

Quoi de comparable entre le serpent et Noé ? Pour Favre d'Olivet le radical Sn donne l'idée de mutation. Le récit de la Genèse évoque en quelque sorte une mutation ... d'un bonheur douillet au sein du jardin d'Eden vers les turpitudes de l'exil. Turpitude jusqu'au déluge de violence duquelle xn Noé sera appelé à construire l'arche Tevah conduisant l'humanité vers une nouvelle mutation salvatrice.

Ainsi le "serpent" serait comme la circonférence d'un cercle, qui trouverait dans cette trajectoire circulaire sans début ni fin le lieu de son repos, mais finalement cette trajectoire sans début et sans fin, aboutirait à la définition de l'épicentre de ce mouvement Noé. Mais qu'est ce qui relie ainsi ce mouvement circulaire sans fin Nahash , et cet épicentre Noé, le repos ?

Dans sa forme originelle le serpent serait dressé orientant son mouvement relatif à la manière des méandres de la vigne autour de son tuteur vertical à la manière des deux serpents du caducée (bâton de Mercure). Mais dans sa forme pervertie, lorsque le désir du serpent trouve dans la boulimie "gouteuse" le principe et la fin de son désir, cette passion devient un feu ravageur. Par quel instrument se propagera ce feu ravageur ? Par la langue !!!

La Tevah "arche" de Noé, signifie aussi le "mot". Le Baal Chem Tov reprend cette polysémie du mot Tévah pour produire une nouvelle lecture, complètement originale de l'épisode du Déluge : "Pour sortir de la violence (hamass) dont fait mention le texte (Gen 6 : 18), il ne faut pas monter sur un bateau mais pénétrer dans le MOT, en retrouver toutes les dimensions et les profondeurs", voir et entendre de l'intérieur du mot.

D'après MarcAlain Ouaknin, la violence serait une perversion du langage ayant perdu la dimension plurielle dont il est porteur. Il note ainsi que les dimensions de l'arche - 300, 50, 30 coudées écrivent en hébreu le mot nSl "lashone" ce qui signifie "langue" à la fois organe physique mais aussi langue du pays.

C'est par la langue bifide (et non originellement perfide) du serpent que s'est amorcé la mutation du couple adamique, déclenchant une spirale infernale réductrice, sourde et aveugle, horizontale et mortelle d'exclusion, de servitude, de viol, de violence mutuelle. C'est parce que la langue de la bête a mis son élection dans la femme de l'homme, la goûtant d'avance afin de la consommer en entier que la langue est devenue perfide. (Perfide vient du latin fides, et signifie donc qui se met en travers de la foi). En introduisant la perfidie dans le langage, le serpent introduit la distance entre le langage et la réalité qu'il est censé nommer.

Mais n'est ce pas aussi par cette capacités multisémantique du langage, que Noé pourra transcender les déterminismes existentiels de la réalité des humains, facteurs de violence ? 'Noé rassemblera ainsi les couples de sa famille et tous les couples de la création dans un nouvel élan linguistique, une spiration d'élévation conjugale, de réconcilation et de vie amoureuse, afin que les humains se répandent en paix sur la terre dans l'ivresse de la liberté retrouvée dans l'amour.

Et le lieu de repos de ce mouvement de transcendance linguistique est la langue de nouveau bifide (forme duelle, époux et épouse, dialogue) d'écoute, d'attention et se purifiant mutuellement ainsi dans l'ivresse de l'amour; se purifiant de la perfidie d'un langage réducteur, boulimique, qui enferme les êtres dans des déterminismes sémantiques. C'est le redéploiement par l'amour dont l'amour conjugal est le signe par excellence vers un langage de foi, de confiance, de con-fiancaille, de promesse mutuelle d'écoute et d'attention qui soit langage de paix, de créativité retrouvée, et de liberté originelle.

 

Poème de femme :

Un serpent, autour de mon doigt,
S'enroule doucement et glisse.
Plaisir obscur, l'écaille lisse
Me frôle comme un baiser froid.

Caresse d'or au nœud étroit,
Il brille à la flamme propice
Quand je le montre au feu complice
Dans un léger frisson d'émoi.

Ses yeux mi-clos semblent sourire
A-t-il compris que je l'admire ?
Moi qui me méfiais des charmeurs,

Je suis séduite et je divague !
Mais gardez vos sermons, mes sœurs,
Car mon serpent n'est qu'une bague.

Nadine Najman

 

Ils sont deux nus, l'Adam et son épouse, et ils n'ont pas honte. (gen 2 : 25)

 

 

Ce verset est le prélude à la rencontre du serpent. Le serpent y est d'ailleurs caractérisé par le même mot Aroum £wrv "nu" qui qualifie le couple adamique, et qui sera traduit à propos du serpent "rusé". Quelle relation entre ces deux qualificatifs "nu" et "rusé"? Pourquoi le même mot suggère la nudité s'agissant du couple adamique, et la ruse s'agissant du serpent ?
La tradition suggère que la dite "nudité" adamique était en fait un habit de lumière. Le premier matin de la vie conjugale fut dans l'emmerveillement de cette relation lumineuse, elle fut révélation de l'autre, et son accueil dans la plénitud, écoute et attention. De cette expérience première, il demeure le goût, le parfum goûté mutuellement, le désir d'y revenir, de goûter de nouveau aux délices, de consommer de nouveau ce fruit délicieux ... mais !!! Là est le danger mortel, auquel l'Eternel prévenant, nous tend la perche, et dresse l'interdit primordial :

 

"tu ne mangeras de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras tu mourras" (Gen 2 : 17)

 

 

L'interdit concerne le désir boulimique en l'Homme, qui trouvera sa pleine expression existentielle "animal" chez le serpent. Le serpent qui a sacrifié toutes les protentialités mobiles et sensorielles de son être vers l'unique perfection de l'identification gustative, la connaissance du bon à manger et du mauvais à éviter afin de "manger et ne être manger" toujours mieux. C'est par la langue et à propos du "manger" que le serpent biblique rencontrera l'épouse d'Adam.

Il dit à l'épouse : "Dieu a dit : vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ?" Gen 3 : 1

La tradition raconte que le serpent ne s'adressa pas Adam directement car il souffrait de surdité, alors que la femme était tout à l'écoute, ardemment attentive à ce qui l'entourait.

Le serpent n'était-il pas Adam lui-même, qui dans cette première rencontre avec son épouse se révèle ainsi sourd, aveugle, et absent à ce qui l'entoure ? N'est-ce pas Adam tendu et retenu dans sa bestialité vers la loi de survie qui consiste à "manger et ne pas être manger" ? Adam se cachant dans les cavernes, vivant dans la crainte des prédateurs, et dans l'espoir d'une bonne chasse.

Ainsi toute l'activité sensorielle d'Adam était tendue vers cette exigence existentielle : "manger et ne pas être manger" et ne pouvait envisager d'autres types de relation entre les êtres que sous le signe de ce désir boulimique. Mais le sein de la femme était promis à bien plus !

Dans le jardin d'Eden, l'activité sensorielle est décrite délicieuse :

1) les arbres précieux pour la vue.
2) bon à manger

Les délices sont finalisées vers l'arbre de vie centré au coeur du jardin en relation avec l'arbre de la connaissance de ce qui est bon et assimilable, et ce qui est "autre" donc non assimilable.

Le jardin d'Eden est donc ravissement de voir ce qui est à voir, de goûter ce qui est à goûter, mais l'arbre de vie et donc son développement est au centre du jardin, en relation avec la connaissance acquise de ce qui "commun" ou communicable et de ce qui autre et "sacré". La reconnaissance de cette capacité duelle de mise en commun et de mise à part mutuelle (sanctification) est la condition première d'une relation et du dialogue interpersonnel !

Dans la relation lumineuse entre les êtres, toute rencontre est sous le signe de cette contemplation de celui qui est vu, à la fois autre, et commun, rencontre qui exalte une saveur gustative, un renouvellement, une révélation, une bonne nouvelle, à condition que la boulimie gustative du désir demeure dans le respect d'un "sacré" non goutable, d'un défendu non communicable, personnel. Le dialogue amoureux ne peut se maintenir que si le désir inclut une limitation "sacré" de ce désir.

Le serpent n'a aucune retenu boulimique. Après la rencontre avec le serpent la géographie sensitive et spirituelle du jardin d'Eden est bouleversée :

1) l'épouse goûte d'abord le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et mal. Elle identifie ainsi le bon goût, ce qui est assimilable, de ce qui est à éviter.
2) elle voit que l'arbre est bon à manger. Sa vue se limite à ce qui est "assimilable"
3) séduisant à voir dans le but d'acquérir le discernement. Sa vue se porte sur ce qui n'est pas encore "assimilable" afin qu'il le devienne.

Dans l'hypertrophie boulimique du serpent la connaissance qui est en quelque sorte la mémoire du goût le souvenir gravé d'une expérience de rencontre antérieure, cette connaissance conditionne toute rencontre future dont le but ne sera plus la rencontre pour la vie, mais un acroissement de cette connaissance, de cette mémoire acquise d'une expérience précédente.

Finalement il n'y aura plus de sacré, d'à part, quand tout sera séduit, connu, assimilé, gouté, déterminé. Il n'y aura plus d'altérité, donc plus de relation, plus d'amour, et donc plus de vie.

Ainsi la vision de la réalité n'est plus nécessaire, la vision est un leurre, une "imagination", duplicité du "langage" pour conquérir ou être conquis. Cette confusion enclenchera la spirale infernale des exclusions, des servitudes, des violences et des crimes dans lequel vit encore aujourd'hui notre humanité frappé d'aveuglement et de surdité.

Mais quel sera le remède à cette confusion relationnelle ?

Le salut biblique proposé sera de même nature que la cause de la chute : dans le langage et le retour du sacré par le langage.

 

Quarante ans dans le désert, le peuple de Moïse est soumis à l'épreuve des serpents brûlants.
Nombre 21 6 Alors l'Eternel envoya contre le peuple des serpents brûlants; ils mordirent le peuple, et il mourut beaucoup de gens en Israël.
7 Le peuple vint à Moïse, et dit: Nous avons péché, car nous avons parlé contre l'Eternel et contre toi. Prie l'Eternel, afin qu'il éloigne de nous ces serpents. Moïse pria pour le peuple.
8 L'Eternel dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant, et place-le sur une perche; quiconque aura été mordu, et le regardera, conservera la vie.
9 Moïse fit un serpent d'airain, et le plaça sur une perche; et quiconque avait été mordu par un serpent, et regardait le serpent d'airain, conservait la vie.

 

 

En tournant notre regard vers le serpent dressé sur le bâton de Moïse, le peuple d'Israël sera guéri des blessures mortelles des serpents brûlants dans le désert.

Qu'est ce que donc que ces serpents brûlants ?

Brûlants ... les sépharins £yprS ... les anges brûlants ?

Sépharim ... qui peut se lire rS le "bonheur" £yp des "visages" ! Le bonheur de voir et d'être vu, le bonheur d'entendre et d'être entendu, dans la chaleur de Sa maison, de Son foyer ! Pour ce bonheur, nous serions prêt à mourir, mourir pour ceux qui nous voient et ceux qui nous entendent, ceux de notre maison, ceux de notre foyer, ceux de notre tribu, de notre nation, ceux qui partage le même signe de reconnaissance ... une étoile ? une croix ? un croissant ? Prêt à mourir, prêt aussi à exclure, et prêt à réduire à l'esclavage afin de ne pas risquer d'être soi-même l'esclave de ceux que l'on ne "reconnait" pas comme "sien".

Alors comment cette mort pourrait-elle le prélude d'un signe de vie ?

Quel sera le remède ? Un serpent d'airain tSxn Sxn nahash nehoshet ! On pourrait très bien traduire " serpent serpente (féminin) " puisque nehoshet est la forme au féminin de nahash. L'androgynie ? nehoshet signifie aussi un métal l'airain qui symboliquement est un alliage de métaux polaires soit l'or et l'argent, soit le cuivre et l'étain. Cet alliage de métaux symbolise l'alchimie parfaitement harmonisée de la générosité et la rigueur spirituelle, du masculin et du féminin, du jour et de la nuit. Cette alchimie permet le respect et la reconnaissance harmonieuse de soi et de l'autre : être deux, être Un dans l'amour. Moïse doit montrer le serpent dressé.

Le salut serait-il une quête conjugale, une con-quête amoureuse ?

C'est du moins ce que nous suggère le cantique des cantiques de Salomon !

 

 

Qu'il me prodige les baisers de sa bouche ! Car tes caresses sont plus délicieuses que le vin ...

 

 

Lorsqu'à la chute de Jérusalem, il fallut constituer le canon des livres sacrés, une vive polémique agita les maîtres du Talmud. En effet la dimension profane et l'absence de l'évocation du nom de Dieu dans cet écrit posait un problème. Un sage parmi les sages : Aqiva proposa une lecture allégorique du cantique des cantiques, évoquant l'amour entre Dieu et son peuple. Il déclara même, que s'il fallait ne garder qu'un seul livre parmi tout le canon ce devrait être le cantique des cantiques.

Shir ha Shirim £yrySh ryS ... ne retrouvons nous dans cette ardeur amoureuses, nos séraphins £yprS ... les anges brûlants ? vers le Pacifique ...

Salomon et la Sulamite ... le masculin et le féminin de la Paix, de la même manière que Le "serpent-serpente" dressé dans le désert appelé à guérir de l'ardeur des séraphins ...

Mais comment donc l'ardeur amoureuse de Salomon et de la Sulamite ne se consume t'il pas dans une effusion ardente mortelle ?

Par la retenue du désir, dans lequel le jeu amoureux est un jeu de cache-cache où tous les sens ( la vue, l'ouïe, l'odorat) sont éveillés à guetter la présence de l'autre :

 

C'est la voix de mon bien-aimé ! Le voici qui vient franchissant les montagnes, bondissant sur les collines. Mon bien-aimé est pareil au chevreuil, ou au faon des biches. Le voici qui se tient derrière notre muraille, qui regarde par les fenêtres, qui observe par le treillis !

 

 

Mais la réponse amoureuse est dans la distanciation, l'élévation mutuel vers le sacré :

 

"Lèves-toi ma bien-aimée, et va vers toi, va pour toi" 2 : 10
"fuis mon bien-aimé, et comme le chevreuil ou le faon des biches, retire-toi, sur les montagnes embaumées. 8 : 14

2

 

 

Ainsi le désir d'être autre, et de maintenir cette altérité, est premier et dernier au désir de voir, d'entendre, de goûter ? L'inconnaissance mutuelle demeure la primauté de la relation conjugale. Il ne s'agit pas d'une unité confusionnelle dans lequel il n'y aurait plus aucune distance entre les époux, où chacun serait entièrement "connu" de l'autre et tendant ainsi vers une immoblité relative, mais tout au contraire une danse où l'unicité serait éternellement dans la transcendance jusqu'à la presque disparition de la présence mutuelle. C'est ce que nous retrouvons dans le prologue de l'évangile de Matthieu.

 

Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie de laquelle naquit, Jésus que l'on appelle Christ (Mat 1 : 16)

 

 

Après l'énumération d'une interminable liste d'engendrement depuis Abraham, dans laquelle chaque patriarche nommé est l'objet de l'engendrement du patriarche qui le précède avant d'être lui-même sujet d'engendrement, Matthieu évoque une rupture fondamentale ! Jésus est nommé sujet de sa propre naissance, et la relation d'épousaille entre Joseph et Marie apparaît comme le lieu de réalisation de cette naissance. Le sujet naissant au coeur de la relation conjugale, est nommé "Sauveur" (Jésus) appelé Christ et se révéle ainsi être le Sauveur attendu, transcendant et libérant de toutes les servitudes, des aveuglements, des surdités qui pétrifient les relations entre les humains.

Quelle sera donc la place de la "connaissance" dans cette naissance du sujet humain ?

 

Joseph prit chez lui son épouse et il ne la connut pas jusqu'au jour où elle enfanta un fils, et il l'appela du nom de "Sauveur" (Jésus) Mat 1 : 25

Marie dit à l'ange : "Comment cela sera-t'il puisque je ne connais pas d'homme" Luc 1 : 34

 

  La non-connaissance préalable à la rencontre relationnelle est posée comme principe de la relation conjugale messianique. Contrairement à la suggestion du serpent qui posait la connaissance comme principe et fin, l'évangile nous introduit dans la virginité spirituelle inaugurée par Marie.

 

Jean 3:14 Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l'homme soit élevé,

 

 

Jésus est comparé au serpent dans le désert. En quoi Jésus est-il remède contre les ardeurs mortelles ? Le désir ardent d'être entendu, d'être vu, d'être reconnu peut devenir désir mortel et boulimique d'unicité confusionnelle, principe d'exclusion, de séduction et de réduction à la servitude, de celui que l'on entend pas, que l'on ne voit pour lui-même, que l'on ne reconnait pas pour lui-même : l'étranger. Jésus, qui est celui qui entend, qui voit l'étranger, qui reconnait entièrement le sacré "en tout être humain" et qui sera capable de l'accueillir dans tout son dénuement par le pardon, jusqu'au pardon de l'acte le plus incompréhrensible, le plus odieux, sera le signe de reconnaissance du peuple. "Reconnu" au milieu de son peuple, comme son signe de rassemblement, Jésus s'est fait l'étranger, l'exclu par excellence, le serviteur, le violenté, et la victime de toutes les surdités, de tous les aveuglements bestiaux des humains.

 

Luc 23:34 Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font !!

Ainsi Jésus s'offrant à notre désir boulimique dans notre monde de violence, nous rassemble dans le pain et le vin eucharistique que nous accostera sur l'autre rive, et nous dispersera dans une terre de paix, de rencontre et de liberté préfiguré par l'ivresse du vin nouveau des noces de Cana !

 

Je dédie cette étude sur le serpent, aux victimes de nos surdités, et de nos aveuglements en ce jour de guerre en Irak ... soit disant inspirée au nom de Dieu !!! Mes prières s'adressent aux familles en souffrance. Que l'Eternel nous libère de l'esclavage de la peur, de la loi boulimique du plus fort et nous guide dansl'Amour de l'autre jusqu'à donner sa vie pour ceux qu'on aime !!